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Pour la période entre janvier 2016 et septembre 2021, l’Agence de la santé publique du Canada fait état d’un total de 26 690 décès — majoritairement accidentels — s’attribuant à une surdose présumée d’opioïdes. Hélas, la crise a empiré depuis le début de la pandémie de COVID-19.
Un empoisonnement aux opioïdes peut survenir à tout moment et toucher une personne de votre entourage. Si vous vous trouviez en présence d’une victime d’un empoisonnement aux opioïdes, sauriez-vous l’aider? Découvrez les gestes à poser en cas d’urgence associée aux opioïdes.
Nous avons demandé à Jeannene Crosby, coordonnatrice, Prévention et sécurité de la Croix‑Rouge canadienne, et Jessica Farmer, bénévole du Conseil consultatif sur la réduction des méfaits associés aux opioïdes, de nous décrire les signes d’un empoisonnement aux opioïdes et les actions requises quand on soupçonne un tel empoisonnement.
Que sont les opioïdes et pourquoi peuvent-ils être mortels?
Les opioïdes sont des médicaments que prescrit un médecin à une personne qui se rétablit d’une blessure ou qui reçoit des traitements pour une maladie chronique. On les administre notamment lors des chirurgies sous anesthésie.
« Une personne peut très bien commencer à consommer des opioïdes à la recommandation de son médecin, explique Jessica. Même s’il est sécuritaire de les utiliser sous une supervision médicale attentive, il existe toujours un risque que l’usage thérapeutique provoque un trouble lié à l’usage de ces substances. »
Jeannene ajoute : « Actuellement, partout au Canada, nous constatons une augmentation de l’utilisation de médicaments d’ordonnance et d’opioïdes illicites et une grande variabilité de la qualité et de la force des opioïdes illégaux, qui contiennent souvent du Fentanyl et du Carfentanyl, substances beaucoup plus puissantes que l’héroïne. »
« L’empoisonnement aux opioïdes est une urgence médicale qui doit être prise en charge sans tarder; la vie de la personne atteinte en dépend. Non traité, un empoisonnement aux opioïdes entraînera tôt ou tard un arrêt respiratoire ou cardiaque et, conséquemment, la mort. Voilà pourquoi il est si important de savoir reconnaître les signes d’un tel empoisonnement et de venir en aide à la personne en détresse sans hésiter et sans la juger. »
La crise des opioïdes éveille des résonances particulièrement tragiques pour Jessica. Son neveu de 23 ans, Dylan, est décédé d’un empoisonnement accidentel au Carfentanil en 2017. Après cette terrible perte, elle s’est engagée pleinement à sensibiliser et à informer la population au sujet des opioïdes, des empoisonnements aux opioïdes et du trouble lié à l’usage de substances. Elle estime qu’il est important de savoir comment aider quelqu’un qui est en détresse à la suite d’un tel empoisonnement.
« Un passant se trouvant par hasard à proximité d’une personne subissant un empoisonnement aux opioïdes pourrait faire la différence entre la vie, des dommages permanents au cerveau et la mort. En posant les gestes essentiels chez une victime d’empoisonnement, on lui permet de rester en vie et on lui donne une nouvelle chance d’obtenir l’aide dont elle a besoin pour régler son trouble lié à l’usage de substances. Dans nos communautés, chaque vie doit compter. Tout le monde est important aux yeux de quelqu’un. Vous pourriez être celui ou celle qui sauve une vie. »
La réduction des méfaits associés aux opioïdes : une priorité de la Croix‑Rouge
« L’empoisonnement aux opioïdes et ses conséquences bien souvent tragiques sont rapidement devenus l’une des problématiques de santé les plus urgentes au Canada. La Croix‑Rouge canadienne est fière de miser sur ses forces et ses ressources pour s’attaquer à ce défi de taille », explique Jeannene.
« Actuellement, nous mettons au point un programme pour réduire les décès liés aux opioïdes en améliorant l’accès de la population canadienne à la formation sur les interventions en cas d’empoisonnement et à la naloxone, un médicament qui permet de renverser temporairement les effets des opioïdes sur l’organisme et de sauver des vies. »
Dans le cadre de ce programme, la Croix‑Rouge prévoit offrir de la formation sur les gestes à poser en cas d’empoisonnement aux opioïdes à environ 1,5 million de Canadiennes et Canadiens en vue d’aider des millions de personnes à mieux comprendre les risques, les préjugés et les facteurs de vulnérabilité entourant l’usage de ces substances.
Jeannene ajoute : « Notre programme permettra notamment d’aider les personnes les plus susceptibles de subir un empoisonnement aux opioïdes dans les communautés sous-desservies, éloignées, rurales ou autochtones de l’ensemble des provinces et des territoires canadiens, sauf au Québec, où un programme semblable est déjà offert. »
Reconnaître les signes d’un empoisonnement
Jeannene décrit certains des signes et symptômes les plus évidents d’un empoisonnement aux opioïdes :
- Difficulté à respirer (ou absence de respiration)
- Ronflements ou bruits d’étouffement
- Oppression thoracique
- Somnolence extrême ou absence de réaction
- Peau pâle et lèvres bleutées
- Contraction des pupilles (les cercles noirs au centre des yeux sont petits)
Intervenir en cas d’empoisonnement aux opioïdes
Si vous êtes témoin de la détresse d’une personne chez qui vous soupçonnez un empoisonnement aux opioïdes, prenez les mesures suivantes :
- Composez le 911 (ou le numéro du service d’urgence de votre région) et allez chercher un défibrillateur externe automatisé (DEA) et une trousse de naloxone, si c’est possible. La naloxone est généralement offerte sous forme de vaporisateur nasal ou d’injection intramusculaire. Elle permet de renverser rapidement les effets de l’empoisonnement aux opioïdes en attendant des soins médicaux professionnels.
- Examinez la personne et agissez en fonction des symptômes observés. La naloxone peut rapidement changer l’état de la personne, alors examinez-la fréquemment. Dans certains cas, il faut administrer plus d’une dose. Le médicament ne fera aucun mal à la personne si elle ne s’est pas empoisonnée aux opioïdes, mais il pourrait très facilement lui sauver la vie si c’est le cas. Vous pouvez en donner à quiconque semble en avoir besoin, même si la personne n’est pas en mesure de vous demander de l’aide.
- Si la personne NE RÉAGIT PAS et NE RESPIRE PAS NORMALEMENT, pratiquez la réanimation cardiorespiratoire (RCR) pendant deux minutes. Lorsque la naloxone est prête, arrêtez brièvement les compressions le temps d’administrer le médicament, puis poursuivez la RCR jusqu’à l’arrivée du personnel d’urgence.
- Si la personne NE RÉAGIT PAS, mais qu’elle RESPIRE NORMALEMENT, administrez-lui la naloxone et surveillez attentivement son état jusqu’à l’arrivée des secours. La naloxone doit être administrée à toute personne qui ne réagit pas ou qui ne respire pas normalement lorsqu’on soupçonne un empoisonnement aux opioïdes.
Voici la marche à suivre pour administrer la naloxone par voie nasale :
Avant d’administrer le médicament, prévenez toujours les secours en composant le 911 ou le numéro du service d’urgence de votre région et allez chercher un DEA (dans la mesure du possible).
- Ouvrez votre trousse de naloxone et retirez le vaporisateur nasal de son emballage.
- Mettez le pouce sur le piston et tenez l’embout du vaporisateur nasal entre l’index et le majeur.
- Renversez délicatement la tête de la personne vers l’arrière et tenez‑la dans cette position.
- Insérez l’embout du vaporisateur dans l’une des narines de la personne jusqu’à ce que vos doigts viennent à toucher le bas de son nez.
- Administrez toute la dose de médicament en appuyant fermement sur le piston, puis retirez immédiatement le vaporisateur de la narine.
Trouver des ressources et des cours de secourisme dans votre communauté
L’objectif de la Croix‑Rouge canadienne est de faire en sorte que partout au pays, toutes les personnes subissant un empoisonnement aux opioïdes puissent être secourues par quelqu’un qui dispose d’une trousse de naloxone et qui sait comment s’en servir. Dans le but ultime de sauver des vies, le projet de la Croix‑Rouge sur la réduction des méfaits associés aux opioïdes vise à accroître la sensibilisation, la formation sur les interventions en cas d’empoisonnement et l’accès à la naloxone en vue de réduire les effets dévastateurs des empoisonnements aux opioïdes.
Toutes les personnes de 13 ans ou plus peuvent apporter des changements positifs dans leur communauté en suivant le cours Devenir un champion ou une championne du projet de réduction des méfaits associés aux opioïdes de la Croix‑Rouge. Les participantes et participants à la formation, qui apprendront à maîtriser des techniques qui peuvent sauver des vies pour savoir comment intervenir en cas d’empoisonnement aux opioïdes, découvriront des ressources utiles et contribueront à sensibiliser la population et à combattre la stigmatisation.
Jeannene conclut sur ces quelques recommandations : « C’est une bonne idée de s’informer des autres ressources offertes dans sa communauté. Les trousses de naloxone, qui sont faciles d’emploi, sont distribuées dans de nombreuses collectivités partout au pays. Les modalités de distribution varient d’une région à l’autre. On peut se procurer la trousse en pharmacie, voire l’obtenir gratuitement dans la plupart des cas. Les provinces et territoires peuvent également faire appel à divers organismes comme les services sociaux, les autorités sanitaires, le personnel infirmier autorisé ou les associations de pharmacienne et pharmaciens pour distribuer les trousses. Procurez-vous une trousse de naloxone pour l’avoir sous la main en cas d’urgence liée aux opioïdes. »
Jessica acquiesce et insiste sur l’importance d’assurer l’accessibilité des trousses de naloxone dans la population : « En plus de sauver des vies, les trousses de naloxone sont porteuses d’un message à l’intention des personnes aux prises avec un trouble lié à l’usage de substances. Ces trousses signifient que les membres de la communauté tiennent à ces personnes et pourront leur venir en aide en cas d’urgence ».
La Croix-Rouge canadienne s’engage à collaborer avec les communautés pour réduire le nombre de décès liés aux opioïdes. À cette fin, elle est déterminée à aider les Canadiennes et les Canadiens à mieux comprendre les risques, les préjugés et les facteurs de vulnérabilité entourant le mauvais usage d’opioïdes. Vous trouverez ici des ressources utiles sur ce type d’empoisonnement et de l’information sur la formation connexe.
Cette initiative est rendue possible grâce à une contribution financière du Programme sur l’usage et les dépendances aux substances (PUDS) de Santé Canada. Les opinions exprimées ne représentent pas nécessairement celles de Santé Canada.
La Croix-Rouge recevra un financement de 7,9 millions de dollars du Programme sur l’usage et les dépendances aux substances (PUDS) afin de collaborer avec Ambulance Saint-Jean pour assurer la prestation d’une formation sur l’intervention en cas d’empoisonnement aux opioïdes dans toutes les provinces et les territoires canadiens, sauf au Québec, où un programme similaire est déjà offert. Cette entente appelle également la Croix-Rouge canadienne et Ambulance Saint-Jean à créer et à maintenir des systèmes de distribution parallèles qui permettront aux Canadiens et Canadiennes hors Québec d’accéder plus facilement à la naloxone, un médicament permettant de renverser temporairement les effets des opioïdes sur l’organisme comme les arrêts respiratoires et la perte de conscience.
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