La Croix-Rouge redonne espoir aux personnes en situation de handicap au Mali

Par Vanessa Racine, coordonnatrice des médias sociaux
 
Avertissement sur le contenu : Cette histoire traite de la violence sexuelle, ce qui peut être dérangeant pour certains.

 
En l'honneur des 16 jours d'activisme contre les violences sexuelles basées sur le genre et de la Journée internationale des personnes handicapées, la Croix-Rouge canadienne a voulu souligner les efforts que nous déployons pour mettre fin aux actes de violence fondés sur le genre qui sont commis dans nos communautés et ailleurs dans le monde.

Les Sociétés de la Croix‑Rouge et du Croissant-Rouge sont connues par des millions de personnes sur le continent africain. Des employé(e)s et bénévoles dévoués sont souvent les premières personnes qui interviennent lors d’une urgence et ils représentent parfois le seul soutien que reçoivent les collectivités reculées.

Grâce à la générosité de la population et du gouvernement du Canada, la Croix‑Rouge canadienne (CRC) travaille avec ses Sociétés sœurs dans le cadre du Programme de partenariat avec l’Afrique de l’Ouest. Ce partenariat vise à accroître, entre autres, les capacités de la Croix‑Rouge du Mali (CRM) afin d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes qui aideront les collectivités à devenir plus fortes, plus résilientes et en meilleure santé. Ainsi, depuis 2012, des fonds sont accordés par le gouvernement du Canada aux projets de la CRM pour appuyer ses efforts et ceux du ministère de la Santé et du Développement Social (MSDS) du Mali à offrir des services de santé dans les communautés rurales.
 
C’est ainsi qu’une composante d’un projet ciblant les personnes en situation de handicap a été initiée par l’équipe de la Croix-Rouge canadienne au Mali en partenariat avec la Croix-Rouge du Mali et le MSDS. Elle est mise en œuvre selon deux approches.
 
Inclure des personnes en situation de handicap en tant que bénévoles
 
La première approche est l’inclusion de personnes en situation de handicap en tant que bénévoles de la Croix-Rouge malienne. « D’habitude, dans les autres projets, la CRM identifie des bénévoles uniquement parmi les personnes sans handicaps. Mais avec notre projet actuel, la CRC a innové en convaincant la CRM d’identifier un certain nombre de personnes avec handicaps physiques (2 par village) comme bénévoles du projet. Ces personnes agissent ainsi depuis août 2020 comme acteur de sensibilisation auprès des communautés », nous mentionne la Dre Bintou Coulibaly, médecin et référente technique santé, qui travaille auprès de la Croix-Rouge canadienne depuis 2017 et appuie la mise en œuvre du projet de façon générale.
 
Grâce à cette innovation, sur les 1272 bénévoles, on en compte maintenant 133 en situation de handicap. Pour la mise en place de ce projet, plusieurs échanges auprès d’associations pour les personnes en situation de handicap et du ministère de la Santé ont eu lieu, afin d’inclure ces membres de la communauté, qui sont marginalisés. Comme résultat, l’ensemble des bénévoles ont réalisé près de 35 000 séances de sensibilisations sur la Covid-19 et les bénévoles avec handicap ont réalisé 8.36% des séances de sensibilisations.
 Bénévole de la Croix-Rouge malienne, portant un dossard blanc, sur une moto
D’ailleurs, depuis cette inclusion, beaucoup de choses ont changé et les idées préconçues ont très vite changé positivement. Ainsi, les personnes en situation de handicap fréquentent davantage les centres de santé sans peur du jugement. De plus, les structures locales de soins ont une meilleure vision et appréciation des personnes en situation de handicap. Ainsi, 44% des centres de santé ont construit des rampes d’accès pour elles depuis la mise en place de cette approche. « Ça parait banal, mais c’est une façon de dire à ces personnes que nous leur ouvrons les portes. Vous pouvez venir vers nous », selon la Dre Coulibaly.
 
Également, depuis leur implication auprès de la Croix-Rouge, ces personnes se sentent valorisées par la communauté et n’ont plus peur de se sentir seules. « On peut voir ces changements lorsqu’on entend des témoignages. Par exemple, auparavant, un élève, qui est bénévole auprès de la Croix-Rouge, se cachait et avait peur de s’approcher des gens. Depuis, il est devenu une star. Il n’a plus peur d’aller à l’école et il est fier, car les gens le voient autrement. Ça l’encourage beaucoup. »
 
Une formation de couture qui éloigne les jeunes filles de la violence
 4 jeunes filles assises devant une machine à couture, qui travaillent
La deuxième approche est une activité de formation de couture, qui a privilégié 146 jeunes filles dont 34 en situation de handicap, afin de les éloigner de la violence sexuelle basée sur le genre, y compris les mariages précoces et forcés. En effet, la pandémie COVID-19 avait forcé les classes à demeurer fermées près de 5 mois.
 
À cause de cette fermeture, beaucoup de jeunes filles courraient le risque d’être données en mariage forcé ou envoyées dans les grandes villes comme aide-ménagère, où elles seraient victimes de d’abus, de violence et d’exploitation sexuelle. Ce centre de formation de couture était donc une façon de les garder occupées durant cette période et donc, de s’échapper de cette violence.
 
La contribution de la Croix-Rouge canadienne
 
Dans ces deux approches, la Croix-Rouge malienne est responsable de la mise en œuvre du projet, et la Croix-Rouge canadienne appuie techniquement et financièrement, grâce à trois délégués techniques qui planifient des activités sur place, entre autres.
 
« Un des plus grands défis est le genre et l’inclusion sociale. Parmi les bénévoles, notre objectif était de recruter 50% de femmes. C’était très difficile au départ, et certains villages étaient fermés à cette idée, car les chefs du village ne voulaient pas d’une femme comme acteur de sensibilisation. Nous avons donc organisé des équipes pour faire des plaidoyers, afin d’expliquer pourquoi nous devions inclure plus de femmes et, surtout, pourquoi nous devions inclure des personnes en situation de handicap comme acteurs de sensibilisation. Il reste encore du chemin à faire, mais nous avons beaucoup avancé. Et comme c’était une première fois pour cette approche (avec des personnes en situation de handicap), nous sommes très fiers. »
 
Mais personnellement, la Dre Coulibaly nous confie qu’elle est vraiment très fière de pouvoir apporter le sourire à la communauté, et aussi aux personnes qui se sentaient marginalisées, mais qui se sentent maintenant valorisées. « J’ai entendu un témoignage d’un de nos bénévoles récemment qui m’a profondément touchée. Avant, il avait une mauvaise estime de lui-même et maintenant, il se sent comme une personne à part entière, contribuant pour sa communauté. Les gens lui expriment sa reconnaissance au lieu de le rejeter. C’est gratifiant pour lui de se sentir valorisé et utile. »
 
« Au Mali, la personne avec handicap, et particulièrement la femme, est celle qui est dominée et qui a très peu droit à la parole, surtout en milieu rural. Le projet a contribué a amorcé un processus de changement dans ses zones d’intervention. Nous avons pu changer cette mentalité un petit peu. Les personnes en situation de handicap, ayant maintenant une meilleure estime de soi, accèdent sans complexe aux services de santé. »

 
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