Cela fait maintenant dix ans que je travaille dans le secteur humanitaire, mais ma dernière mission humanitaire n’avait rien à voir avec mes expériences précédentes. J’ai été « déployé » à Nairobi au Kenya avec la Fédération internationale, l’organe de coordination du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, pour y appuyer les pays prioritaires de la région. En fait, je n’ai pas vraiment été déployé à Nairobi. Je m’y trouvais déjà, parce que j’y vis depuis 2019. Cette fois, je ne me rendais pas dans un pays touché par un ouragan ou un tremblement de terre ou encore dévasté par une guerre ou confronté à des mouvements de populations. J’étais en quelque sorte déployé chez moi pour faire face à un danger invisible, à une menace avec laquelle nous ne pouvons pas négocier : la pandémie de COVID-19 qui touche le monde entier.
Mes tâches étaient également assez différentes de ce que je fais d’habitude. En effet, je suis chef d’équipe pour la Société nationale. Mon rôle consiste à gérer une équipe qui fournit des soins de santé, s’occupe de la réhabilitation des systèmes d’approvisionnement en eau ou participe à l’organisation d’activités de mobilisation communautaire. Lors de ces déploiements, je suis en contact au quotidien avec les populations touchées. Je peux leur parler, connaître leur vie et les défis auxquels elles font face et être témoin de leurs forces et de leur résilience. Mais difficile de procéder de cette façon lorsque l’ensemble du continent est touché, du Caire au Cap de Bonne Espérance, de Dakar à Zanzibar. Comment fait-on pour aider directement des populations face à une crise d’une telle ampleur? En fait, nous avons une solution. Le Mouvement de la Croix-Rouge compte 12 millions de bénévoles actifs dans le monde, un nombre supérieur à la population entière de pays comme Cuba, l’Autriche ou le Portugal. De surcroît, le Mouvement priorise l’aide locale dans la mesure du possible et ne se tourne vers les acteurs internationaux qu’en cas de besoin. Il existe des bureaux de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge d’un bout à l’autre du continent africain et tous étaient prêts à intervenir.
Comme dans n’importe quelle autre crise, les bénévoles sont aux premières lignes. Mais cette fois, les risques sont différents. Nous devons aider les populations touchées par la pandémie tout en nous assurant de protéger nos équipes. C’est à cette étape que j’interviens. Mon rôle était de trouver des moyens simples et concrets pour éviter d’exposer nos équipes au virus et leur permettre de continuer à venir en aide aux communautés. Nous avons mis en place diverses mesures, comme la distanciation sociale, le port du masque, la rotation des équipes, des protocoles de travail à distance, ainsi que le recours à des trousses pour la mise en veille et l’évacuation médicale. Nous avons dû modifier nos façons de travailler afin de nous adapter à la nouvelle réalité de la COVID-19.
Tous les jours, j’étais en communication avec nos équipes de Madagascar, du Zimbabwe, de la République centrafricaine, du Soudan du Sud et d’autres pays afin de discuter des obstacles auxquels nous étions confrontés et de trouver des solutions adaptées à chaque réalité. À Goma, le gestionnaire de projet nous a indiqué que les employés travaillent et vivent au même endroit et donc que la recommandation de travailler à distance ne s’appliquait pas dans leur cas. Nous avons ainsi dû trouver une autre solution. Au Soudan du Sud, nous avons eu des conversations difficiles sur la décision de partir ou de rester. Certains des membres de notre équipe étaient plus vulnérables au virus en raison de leur âge. Malgré tout, ils étaient déterminés à poursuivre leur travail même en sachant qu’une fermeture des frontières était imminente et qu’une évacuation médicale serait probablement impossible en cas d’infection. Les membres du personnel local de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge étant dans l’impossibilité de s’en aller, nous avons tout fait pour assurer leur sécurité au maximum.
Bien entendu, tout ce travail a été effectué à distance au moyen de vidéoconférences, une façon de travailler nouvelle pour moi. En temps de crise, le contact humain est extrêmement important et l’impossibilité d’être physiquement avec mes collègues rendait difficile l’établissement de relations et d’un lien de confiance. Mais les humains ont une incroyable capacité à s’adapter.
Et nous n’avons pas perdu de temps. Nous avons augmenté l’utilisation de plateformes en ligne pour susciter l’engagement communautaire. Par exemple, des artistes africains ont collaboré avec la Croix-Rouge pour sensibiliser les populations à la COVID-19 en organisant un concert en ligne : Africa Together, en français et en anglais. Nous avons pu joindre des milliers de personnes sur le continent grâce aux médias sociaux. Maintenant, nous sommes confrontés à un autre impact de la crise. Les mesures mises en place pour contenir la propagation de la maladie, notamment les couvre-feux, les fermetures de magasins et de restaurants, les restrictions de déplacements et les fermetures de frontières, ont des répercussions considérables sur les moyens de subsistance de milliers de personnes. Beaucoup ont perdu leurs revenus et ne sont plus en mesure de nourrir leurs familles. Les systèmes de santé et les campagnes de vaccination contre d’autres maladies graves ont été perturbés, et des milliers de jeunes ont vu leur scolarité interrompue.
Je suis maintenant de « retour à la maison » et tout le monde porte un masque dans les rues de Nairobi. Un nouveau secteur de la mode axé sur la fabrication de masques a même vu le jour et met en valeur de superbes tissus africains. Cependant, le nombre de nouveaux cas signalés continue à augmenter et la crise est loin d’être terminée. Il s’agit d’un marathon, pas d’un sprint. C’est pourquoi nous continuons à venir en aide aux personnes touchées directement et indirectement par la crise.
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