Carnet d’un médecin québécois en Sierra Leone pour lutter contre le virus Ebola

 Billet de la Dre Perreault qui est en mission en Sierra Leone pour quatre semaines. 

 Montréal 8 décembre 2014 :  « Prendre le risque »
 
Je pars dans cinq jours. Des amies, affligées par l’annonce de mon départ, prennent le temps de m’envoyer par courriel une description des souffrances d’un médecin qui a contracté le virus d’Ebola en Sierra Leone. Je l’avais lu cet article. Oui, je le sais, ce virus est un beau salaud… Oui, j’ai peur parfois, mais je ne pars pas sur un coup de tête, ni pour devenir une héroïne.
 
photo-ebola-600.jpgJ’ai connu l’Afrique de l’Ouest dans toute son intimité auprès de mes élèves au Togo quand j’avais 19 ans, auprès de villageois au Ghana comme étudiante en anthropologie et auprès de mes patients en Guinée Bissau où j’ai travaillé un an comme médecin. Aujourd’hui, parmi ces milliers de victimes, il y a peut-être cette mère de 4 enfants que j’ai connue comme voisine, cette adolescente qui voulait devenir infirmière ou ce musicien qui jouait du balafon.
 
Alors « l’idée » du risque de contracter la maladie au cours de ces quatre semaines dans un centre de traitement à Kenema en Sierra Leone, je l’envoie au diable. Qu‘elle m’apparaisse pour me rappeler la plus grande prudence. Mais qu’elle ne vienne pas me distraire de cette certitude qu’on doit faire notre part pour éliminer cette tragédie au plus vite…
 

Genève, 18 décembre 2014 : « formation pré-déploiement »

Formation de deux jours au centre de la Fédération internationale de la Croix Rouge. Des collègues partagent leur expérience sur le terrain acquise au pic de l’épidémie.
 
On nous rappelle que 70 % des victimes d’Ebola contractent le virus au moment de l’enterrement traditionnel des victimes d’où l’immense impact des équipes qui sensibilisent la population avec succès dans plusieurs endroits. On note aussi à quel point retracer et suivre les contacts est laborieux. Par exemple, dans un centre de traitement de 60 patients, des équipes locales ont le rôle de retrouver 600 personnes qui ont été en contact avec les personnes infectées et les suivre pendant 21 jours…
 
J’apprends, bien sûr, à mettre et à enlever ces vêtements de protection d’« astronaute », le PPE (  ) maintes fois vu dans les médias et presque le symbole d’Ebola. Il faisait 8°C à Genève et on avait chaud, comment vais-je réagir quand il fera 30°C ?

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J’apprends comment faire des prises de sang ou comment placer un patient décédé dans un “body bag“ sans risquer de me contaminer et je réalise toute cette distance nécessaire à notre protection qui sera notre quotidien et qui limitera sérieusement les soins directs à des patients très malades. Ajoutons le fait que des tests de laboratoire permettant d’ajuster les traitements ne sont pas disponibles pour le moment. Seul le test de détection du virus est pratiqué.
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J’ai marché tout l’après-midi pensant à mes enfants, à ma famille, à mes amis. La certitude pré-départ vacille. Tout un contrat de travailler comme médecin dans ces conditions, habituée d’avoir accès à un minimum d’outils diagnostiques. Est-ce que ça vaut la peine de partir quand même? Puis, je pense à ces milliers de volontaires et professionnels de la santé locaux qui sont sur place et qui relèvent d’énormes défis quotidiennement et ce, depuis des mois. Alors pour quatre petites semaines, je mets mes doutes de côté et je les rejoins.
 
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